L’Ergot
And the winner is…
Ça y est. Je suis sûr que vous y avez cru. Vous pensiez naïvement que j’allais vous livrer gratuitement le nom du Bressan ou de la Bressanne de l’année 2021. Et puis quoi encore ? Vous le saurez le 31 mars, comme tout le monde. Non mais !
Alors pourquoi parler de ça si c’est pour dire que je n’ai rien à dire ? Comme je n’ai pas l’habitude de parler pour ne rien dire – en tout cas j’essaie – je vais donc vous révéler l’objet de cette introduction. Outre le “teasing” – comme disent les communicants – pour la prochaine soirée des Bressans de l’année, cette entrée en matière me permet de parler d’un personnage qui a participé grandement à la notoriété de notre région.
Quelques indices pour vous permettre de deviner de qui je vais vous parler ? Allez, je sens que vous êtes joueurs ou joueuses !
Elle (Bravo, c’est bien une femme) n’est pas née en Bresse. Elle n’aurait d’ailleurs jamais dû y mettre les pieds, ni même les sabots de son cheval, si le sort lui avait été plus favorable. Sa vie ressemble à un vaudeville, si l’on considère le caractère tragicomique de sa vie maritale.
Imaginez une jeune fille, promise à un beau parti, et qui se fait voler son mari, plus exactement celui à qui elle était promise, par celle qui devait devenir sa belle-mère. Un bon début d’intrigue pour un Feydeau d’hier ou d’aujourd’hui, non ?
La petite fille arriva dans le royaume de France, directement de sa Belgique natale, qui n’était encore qu’une province bourguignonne. Elle passa sa prime jeunesse au château d’Amboise, où elle reçut l’éducation nécessaire à une future reine de France. Mais c’était sans compter avec la géopolitique de l’époque. Et sans les ambitions de papa.
Maximilien – c’est lui le père – comptait bien abréger son veuvage en épousant la belle Anne, de surcroît duchesse de Bretagne, ce qui est toujours bon à prendre. Le problème, c’est que Maximilien était Régent de Bourgogne, Archiduc d’Autriche, et futur Empereur du Saint Empire Romain Germanique. Pas de loi sur le cumul des mandats à l’époque. Max – je me permets cette familiarité puisque c’est presque un intime maintenant – allait également se retrouver par mariage à la tête d’un duché à l’ouest du royaume de France. Le Charles du moment, roi de France donc, se retrouvait pris en étau par les possessions de l’un de ses ennemis intimes, tout beau-père putatif qu’il était.
C’en était trop pour notre Charles qui amassa des troupes à la frontière bretonne, tel Poutine en Ukraine, pour exiger de la duchesse qu’elle renonce à convoler avec Max. Et, pour faire bonne mesure, qu’elle l’épouse lui, et non cet Autrichien belliqueux. Anne ne put que s’exécuter devant les arguments sans appel de Charles.
Et notre princesse dans tout ça ? Eh bien la voilà supplantée par Anne de Bretagne. Et pour couronner le tout otage de celui qui était censé l’épouser. Charles dut quand même se résoudre à la laisser regagner sa bonne ville de Gand. Retour à la case départ. Max – le papa – remis de ses propres affaires matrimoniales se dit que sa fifille, encore jeune adolescente, devait trouver promptement un mari. Suffisamment prestigieux pour effacer l’affront du roi de France. C’est l’infant d’Espagne qui remporta la mise. Et voilà notre jeune fille en route pour la péninsule ibérique, accueillie par Ferdinand, le papa du promis. Mariage, voyage de noces dans le royaume. Mais l’infant, de santé fragile, succomba pendant le périple. Et retour en Belgique pour notre princesse.
Il fallait de nouveau trouver un époux convenable à cette femme qui avait à peine dix-huit ans. Après deux expériences malheureuses, il y a longtemps que l’idée du mariage ne la faisait plus rêver. Elle accepta tout de même – papa était persuasif – de convoler en justes noces avec Philibert, duc de Savoie, dont les possessions appartenaient au Saint Empire.
Vous commencez à cerner notre personnage, je suis sûr. Allez, cessons ce suspense (insoutenable ?). C’est bien Marguerite, dite d’Autriche, dont je vous parle. Qui épousa dans un monastère du pays vaudois, alors propriété savoyarde, le souverain de ce duché, avec qui il fallait compter à l’époque. Et c’est dans notre Bresse que Marguerite se plaisait à résider, au château de Pont-d’Ain, pour y vivre son histoire d’amour avec le beau Philibert. A la mort de son époux lors d’une chasse dans les bois entourant le domaine, Marguerite décida d’honorer le vœu de sa belle-mère – la vraie – et de bâtir un monument qui fait la fierté des Bessans, l’église de Brou. Dans laquelle on retrouve la patte flamande de son maître d’ouvrage, notre Marguerite d’Autriche, de Bourgogne et de Savoie.
Au-delà de ce personnage de roman, ce fut une femme politique avisée, qui dut pallier la relative inconsistance de son duc de mari et assura ensuite l’éducation de son neveu, le futur Charles Quint. Mais c’est une autre histoire.
Alors, c’est à l’unanimité, et en parfait accord avec moi-même, que je souhaitais désigner Marguerite Bressanne de l’année… 1501, année de ses noces savoyardes qui marquèrent son entrée dans notre histoire. Mais l’Académie a déjà honoré le Monastère de Brou en 2014. Et par là-même, tous ceux qui, depuis le XVIe siècle ont contribué à son édification puis à sa conservation. Marguerite sera donc mon coup de cœur. N’est-ce pas tout indiqué pour cette grande amoureuse ?
J’ai été bien long aujourd’hui. Alors, je vous quitte. Et à très bientôt sur notre site.